Plastic Conditioned

Ruiz Stephinson

du 5 au 25 septembre 2015

De l’espace public ouvert à tous à l’espace spirituel, l’ensemble de l’exposition se meut et se déploie pour interroger les vestiges de la spiritualité et les différentes formes de conditionnements de l’homme dans la société occidentale. S’il est question de soulever des problèmes, rien ne semble indiquer que tout est inéluctable. La spiritualité aspirée et digérée par le capitalisme? La question reste en suspens. C’est bien là que le travail de Ruiz Stephinson se trouve. Dans cet étrange moment de flottement, il n’est plus vraiment question d’émettre des doutes mais plutôt de commencer à y croire.

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Fonds d’écran aux allures de cartes postales, tourisme détox, spiritualité au rabais. Si certains s’intéressent dans leur oeuvre, comme Michel Houellebecq dans Plateforme, aux formes de tourisme sexuel; pour cette seconde exposition à la galerie Nuke, c’est le tourisme spirituel qui a interpellé Coralie Ruiz et Anthony Stephinson.

Parmi les nombreux choix des destinations touristiques proposées aux occidentaux pour la période estivale, il en compte une qui vous fera goûter les joies d’un séjour détox afin de se purifier d’une année de dur labeur. Une semaine all inclusive de bien être intérieur. Formule complète : retour du bonheur assuré, odeur de thé au jasmin et ouverture des chakras. Au retour, un an de spiritualité certifié. Quand il vous est impossible de vous rendre au bout du monde, la spiritualité vient à vous, cours de yoga tantrique ou encore qi-gong. Autant de formes exotiques mal connues et adpatées au public occidental. Si les deux artistes se sont autant intéressés à ce phénomène, c’est avant tout la question du conditionnement de l’homme qui les interpelle dans leur pratique artistique. Ici, la spiritualité est un moyen d’échapper aux rouages de la société.

Aujourd’hui, la spiritualité se vend aussi dans les kiosques à journaux, où il est possible d’acheter un carnet de mandalas, dont les qualités apaisantes du coloriage vous permettront de retrouver la sérénité. Coralie Ruiz et Anthony Stephinson se sont ainsi adonnés pendant l’été à la pratique de ce dernier introduite en Europe par Carl Gustav Jung. Pour le psychanalyste, le mandala revêtait une importance capitale, il permettait la connexion à soi-même. Encore aujourd’hui, de nombreux psychanalystes y voient un moyen de retrouver le chemin vers soi. Mais c’est aussi son caractère démocratique et accessible à tous qui a séduit les artistes. Pas besoin d’un savoir faire ni d’argent pour les réaliser.

Dans l’exposition, les mandalas sont scannés, agrandis puis imprimés sur des panneaux de bois enveloppés d’une fine couche de plastique. Ils sont autant protégés que contraints. Les mandalas sous cellophanes, ou la condition humaine sous plastique. Leurs formes cycliques, ouvertes et fermées à la fois, font écho aux tours modernistes dressée comme un champ d’arbres à l’entrée de l’exposition. Des posters, placés devant les mandalas, deviennent cartels, écriture manuscrite sur fond de paysage paradisiaque. Les titres des pièces sont oeuvres à emporter.

De l’espace public ouvert à tous à l’espace spirituel, l’ensemble de l’exposition se meut et se déploie pour interroger les vestiges de la spiritualité et les différentes formes de conditionnements de l’homme dans la société occidentale. S’il est question de soulever des problèmes, rien ne semble indiquer que tout est inéluctable. La spiritualité aspirée et digérée par le capitalisme? La question reste en suspens. C’est bien là que le travail de Ruiz Stephinson se trouve. Dans cet étrange moment de flottement, il n’est plus vraiment question d’émettre des doutes mais plutôt de commencer à y croire.

Desktop wallpapers like postcards, detox tourism, and cut-price spirituality. For certain people, such as Michel Houellebecq in “Platform”, it is sexual tourism that interests them; in this, Coralie Ruiz and Anthony Stephinson’s second exhibition at Gallery Nuke, however, it is spiritual tourism that is called into question.

Amongst the many options offered to Westerners in the summer break, there is but one that can give you every last joy: the detox retreat, cleansing you of all the hard work of the year gone by. An all-inclusive week of interior well-being. A complete package: a guaranteed return to happiness, with the aroma of jasmine tea, and an opening of your chakras. And when you return: one year of certified spirituality. When the world is proving too much for you, spirituality is there, through a course in tantric yoga or even qi-gong. Many ancient and exotic practices are on offer, appropriated for the West. Though the two artists seem focused on this phenomenon, it is above all the human condition that they call into question in the work. Here, spirituality is a way of escaping the machinations of society.

Today, spirituality is sold in newspaper kiosks, where you can pick up a colouring book of mandalas, the soothing act of colouring them enabling you to find inner serenity. During the summer, Coralie Ruiz and Anthony Stephinson engaged themselves in this practice, initially introduced in Europe by Carl Gustav Jung. For the psychoanalyst, the mandala assumed a fundamental importance, enabling us to connect with our inner selves. Even today, many psychoanalysts see mandalas as a way of finding a path towards the self. But it was also the democratic and accessible nature of the act that drew these artists to it. You don’t need money or know-how to achieve these results.

In this exhibition, the coloured-in mandalas are scanned, enlarged, and printed on vinyl mounted on reconstituted wooden panels enveloped by a fine layer of plastic. They are both protected and constrained – mandalas under cellophane or the human condition wrapped in plastic – their cyclical forms, both open and closed at the same time, are echoed in the modernist towers that form a field of trees at the exhibition’s entrance. Posters, placed in front of the mandalas, become the works’ titles, handwritten elements sitting on backdrops of paradisiacal landscapes. The titles become works in themselves that can be taken away.

From public space, open to all, to more private, spiritual space, the exhibition maneuvers around and reveals the vestiges of spirituality and the different forms of the human condition in Western society. Though it seems to question, it does not say that everything is inevitable. Spirituality chewed up and spit out by capitalism? The question remains unanswered. But it is there that the work of Ruiz Stephinson can be found. In this strange blurred vision, it is no longer a question of expressing your doubts, but more so of beginning to believe.

Text by Marion Vasseur Raluy