MARIPOLARAMA – PERVERSE CITY

MARIPOL

du 1 au 12 mars 2008

A monographic Polaroid exhibition of Maripol March 1st to March 12th 2008

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L’aventure Polaroïd est au centre de l’histoire de la photographie. Le point focal. Un pont. Le passage de l’argentique au numérique. Le moment capturé aussitôt restitué. Tout tout de suite. La modernité exige l’image instantanée. Maripol s’enfonce dans la ville et épingle ses habitants via l’oeil du SX-70, ce drôle d’animal déplié. L’invention d’Edwin H. Land a créé une complicité nouvelle entre le sujet et le photographe. Ils se partagent « live » le résultat. Réagissent. Recommencent. La photo polaroïd est une oeuvre vivante. Et collective. Des tribus nouvelles mélangent les genres, les attitudes, l’art, le style, le désespoir, le bonheur d’exister. Il leur fallait un capteur familier qui flashe leur mise en scène. Maripol sera ce capteur. Chacun de ses polaroïds est d’abord une histoire. L’histoire d’une relation. D’un jeu. D’une émotion. Avec la légèreté en prime. Sous leur aspect théâtral volage, les photos de Maripol recèlent à l’évidence le secret d’une époque, son éternité. Et puis il y a l’ombre tutélaire qui plane sur tout ce travail, celle du gourou, du passeur, du Maître des agencements, Andy Warhol, l’ami. On connaît la chanson. Le quart d’heure de célébrité de chacun d’entre nous. Encore fallait-il que cet instant magique ne s’évapore pas, qu’il soit fixé. C’est là tout le sens, toute l’utilité du travail de Maripol. Une archéologie de la grâce des moments envolés. « Tous ces moments, perdus dans l’enchantement, qui ne reviendront jamais » chantait Bryan Ferry.Cette capture n’a été possible que par la proximité émotionnelle de la photographe avec ses sujets bien sur mais aussi par la familiarité qu’ils entretiennent avec l’objet polaroïd. Un objet ludique qui les incite à bouger, à se livrer. Avec insouciance.

Il n’est qu’à voir la différence de leur comportement lorsque ces mêmes sujets se retrouvent face à la chambre, cet autre objet polaroïd dont la lourde machinerie les contraint à s’intérioriser, à s’immobiliser. En noir et blanc. Deux manières ô combien complémentaires de regarder et d’enregistrer la vie d’une génération qui sort des limbes de l’underground pour devenir un spectacle universel. Baudelaire est l’inventeur de la poésie urbaine. C’était un temps où les mots prenaient toute la place, où Nadar commençait à immortaliser ses contemporains. L’oeuvre de Maripol est l’alchimie de ce temps perdu que les années vont sanctifier. Une galerie des Fleurs du Mal d’un moment révolu sur laquelle se construit l’esthétique d’aujourd’hui. Un livre de poèmes au siècle de l’image. Des passantes qui ne disparaîtront plus. Notre histoire.

Jean-Yves Pilet.